Archive pour juin 2010

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Dimanche 27 juin 2010

Matthew Barney, Cycle Cremaster, cinq vidéos transférées sur film 35 mm, 1994-2002

Le cycle cinématographique Cremaster est une œuvre foisonnante qui mêle des références à l’identité sexuelle, à l’athlétisme, à l’opéra baroque ou à la mythologie. La métaphore centrale autour de laquelle de nombreux symboles sont développés est celle du mécanisme biologique par lequel s’accomplit la différenciation sexuelle après les six premières semaines de vie utérine. Crémaster est le nom du muscle qui soulève ou abaisse les testicules selon les niveaux de températures ou d’inquiétudes. Avant qu’il ne se forme complètement chez le futur garçon, n’existe qu’une structure gonadique encore androgyne, un système reproductif indifférencié dont la forme renvoie tout autant aux testicules qu’aux trompes de Fallope. C’est cet état de potentiel pur, d’équilibre absolu, que symbolise Barney par le motif devenu sa signature, l’emblème d’un terrain ou capsule horizontalement divisé par une ligne.

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planche anatomique du muscle crémaster

planche anatomique du muscle crémaster

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Dimanche 6 juin 2010

Marcel Duchamp, Coin de chasteté, bronze et plastique dentaire, 6 x 9 x 4 cm, 1954 – moulage 1963, Succession Marcel Duchamp-ADAGP, Paris et DACS / Feuille de vigne femelle, 1950-1951, plâtre galvanisé, 9 x 14 x 12,5 cm, collection MNAM / Couverture de la revue Le Surréalisme, même, n°1, hiver 1956

Duchamp réalisa plusieurs moulages dans les années 1950 qui expriment sa fascination pour l’ambiguïté sexuelle, comme Coin de chasteté, ou Feuille de vigne femelle. Ce dernier aurait été réalisé à partir d’un véritable sexe féminin -une expertise réalisée à la demande du Centre Pompidou l’atteste-, selon un protocole que Man Ray dit avoir effectué avec Duchamp sur le corps d’une prostituée. En utilisant cette technique, l’artiste parvient à « faire surgir une figure logique absolument bouleversante, qui est le Rien positivé » (G. Wajcman, L’Objet du siècle, Paris, Verdier, 1998, p. 149-150). L’objet obtenu, recueillant l’absence de l’objet qui le complète, restitue le creux d’une fente en relief, il devient la forme “ positive ” de l’objet moulé.
Dans un mouvement inverse, la sculpture sera photographiée pour la couverture de Le surréalisme, même 1 d’André Breton, en 1956, avec une lumière suggérant une forme concave plutôt que convexe.

coin de chasteté

feuille de vigne duchamp

le surréalisme, même

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Vendredi 4 juin 2010

Catherine Millet, La Vie sexuelle de Catherine M., Le Seuil, 2001

Dans ce livre, qui fit scandale et sensation, la critique d’art et directrice d’Art Press a cherché à « établir […] la vérité d’un être singulier ». À plus de 50 ans, elle a posé un regard de théoricienne sur l’évolution de ses pratiques sexuelles, décryptant chaque attitude comme elle l’aurait fait pour les formes utilisées par un artiste plasticien. Sur un ton volontairement neutre, elle décrit le personnage de Catherine M., qui est en grande partie elle-même et qui, pendant longtemps, a privilégié la multitude, et notamment les foules d’inconnus pour ses ébats.Dans les premières pages, elle offre son corps sans aucune appréhension, invoquant sa régularité d’humeur et sa faculté à « rentrer en elle », et plus loin, seule avec l’homme qui partage sa vie, elle expérimente une posture inverse, s’ouvrant à ce qui l’entoure : « cette joie extrême éprouvée lorsque les corps, attachés l’un à l’autre, ont la sensation de se déplier », de « s’épanouir à travers toute l’étendue visible ».

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